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Au début du Quattrocento, les conditions historiques sont progressivement réunis pour promouvoir ce vaste courant d'idées, de comportements et de connaissances, connu sous le nom de "Renaissance italienne". Sur le plan politique, la richesse et le développement de cours plus ou moins puissantes introduisent avec elles le mécénat, une volonté de faste et de décorum - public et privé - qui conduira l'art à jouer un rôle considérable dans la vie sociale. Dans le domaine des études philosophiques s'établit une étrange union entre esprit religieux et curiosité profane : avec d'une part la réhabilitation de la culture et de la mythologie gréco-latines, considérées jusqu'alors comme opposées à la "vérité chrétienne", et d'autre part la redécouverte des disciplines ésotériques ( astrologie, alchimie ) comme des sciences exactes et naturelles.

Ainsi, les grands auteurs de l'Antiquité sont remis à l'honneur, leurs manuscrits réédités, parfois même traduis en langue vulgaire. La figure du lettré change : il n'est plus le "clerc" au service de la propagande ecclésiastique, mais le philologue érudit, qui possède les arcanes d'un savoir universel, hors du temps, révélé aux penseurs grecs et maintenant réactualisé pour une société qui redevient à sa manière profane et positiviste. Pétrarque, qui avait inauguré au siècle précédent l'approche "philologique" de la littérature classique, devient la référence des humanistes; ceux-ci explorent les textes et ruines des monuments de la civilisation latine, dans l'espoir d'y trouver une clef à leurs interrogations sur l'existence. Dans un tel contexte, l'art doit également se doter de nouvelles formes linguistiques, avoir une méthodologie propre hautement scientifique, afin de souligner le rôle central de l'homme, pivot du savoir et sujet de la connaissance. La recherche mathématique se révèle indispensable pour la rationalisation de l'architecture, comme pour une représentation picturale rigoureuse. Filippo Brunelleschi applique les découvertes de la physique optique à la construction d'édifices tous conçus autour d'une idée unique, formidable; cette même idée préside à la structure du tableau chez Piero della Francesca : la situation centrale du spectateur, de l'oeil qui regarde, métaphore de base de tout processus de connaissance. La peinture et la sculpture, à partir de Masaccio et de Donatello, se consacrent à un naturalisme explicite et parviennent progressivement à une identité entre le "beau" et le "vrai".
Toutefois, le passage du style gothique à l'art renaissent n'est pas aussi rapide, homogène et unilatéral qu'on pourrait le penser. Les oeuvres des "hommes nouveaux", exécutées à Florence vers 1420, constituent des événements relativement isolés, sans aucun équivalent contemporain dans les autres régions d'Italie.
Et à Florence, en ce début de siècle, nombreux sont les futurs humanistes qui ont encore une mentalité Trecento. C'est le cas de Lorenzo Ghiberti, qui écrira le prestigieux traité esthétique et philosophique, Commentaires ( 1447-1455 ). Il remporte, en 1401, le concours ouvert pour la réalisation des bas-reliefs de la porte nord du baptistère de Florence; mais l'esprit, dans la construction de l'espace et le dynamique de l'action ( le panneau du Sacrifice d'Isaac, par exemple, est encore d'essence gothique ) . Comme le sont aussi les oeuvres de deux autres sculpteurs très connus de l'époque, Jacopo della Quercia et Nani di Banco.
Toujours à Florence, aux côtés du jeune Masaccio, Masolino da Panicale travaille en 1424-1426 aux fresques de la chapelle Brancacci, à Santa Maria del Carmine. Masolino ne pouvait rester insensible à l'ascendant du premier grand peintre humaniste, même s'il conserve les expressions encore médiévales de sa formation.
Ce qui différencie les deux artistes, c'est précisément ce qui sépare le monde gothique des conceptions révolutionnaires qui commencent à s'imposer : chez Masolino, une notion aristocratique et élégante de la forme comme technique de description de la nature; chez Masaccio, une vision dramatique de l'existence, mêlée de sentiments résolument "profanes" tout en respectant le thème religieux et donc la redécouverte de l'individu et de la profonde, pleine "humanité" de Dieu incarné.

On ne peut estimer correctement le panorama artistique des cinquante premières années du XVème siècle si l'on n'a pas présente à l'esprit la suprématie qu'exerçait, au point de vue quantitatif, ce comportement "gothique tardif". Participent à ce climat culturel des personnages d'une importance appréciable comme Gentile da Fabriano et Lorenzo Salimbeni dans les Marches, Antonio Vivarini, Jacopo Bellini, Pisanello et Stefano da Verona en Vénétie, Michelino da Besozzo et Bonifacio Bembo en Lombardie, Lorenzo Monaco, Sassetta et le Maître de l'Observance en Toscane. Chez certains ( Sassetta, Pisanello ), on discerne facilement cependant, une adhésion partielle à l'esprit de la Renaissance.
Également dans l'oeuvre de Masolino, capable d'utiliser la perspective dans sa plus remarquable entreprise, les fresques du baptistère de Castiglione Olona exécutées en 1435. Et ce n'est pas un hasard s'il collabore avec Masaccio en d'autres occasions. Le résultat qu'ils obtiennent en 1424, avec le tableau Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant, est étonnant : dans cette oeuvre, deux façons opposées de comprendre la représentation s'affrontent et coexistent néanmoins en se fondant l'une dans l'autre.

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